ESPT

Publié le 5 Novembre 2009

La semaine dernière, on nous a tous réunis, salariés de l'association, de façon plutôt soudaine en salle de réunion.

Pleins d'idées nous sont passés par la tête à ce moment là: bonne nouvelle? annonce officielle un peu exagérée? souci?

Je suis rentrée la première dans la salle de réunion où nous attendait un membre du conseil d'administration. Il n'a pas du tout répondu à mon sourire.

J'ai commencé à me dire que c'était probablement mauvais pour nous mais je voulais pas trop y croire.

Une fois tout le monde assemblé, debouts et circonspects en face des représentants de l'association, la collection de mines grises qui nous faisaient face laissaient pas trop d'espoir d'une nouvelle joyeuse.

En même temps la probabilité d'une nouvelle joyeuse dans le contexte économique ambiant...

La présidente a pris la parole, et le premier mot qu'on a tous capté a été le nom de notre entreprise d'insertion.

Fermeture? ça y est c'est terminé?

Non ce n'est pas ça.

Un salarié est mort ce matin





C'est un accident horrible ce décès, vraiment le genre de mort qui vous provoque des frissons, qui vous laisse un malaise bizarre.

Je n'entre pas dans les détails. C'est juste affreux.

Il s'agissait d'un de nos salariés en insertion. C'est moche à dire, mais je crois qu'on a tous été un peu soulagés car ce n'était pas un permanent, quelqu'un qu'on connaissait. C'était un inconnu sans visage et sans histoire pour nous.




Ce n'est pas pour autant bien sûr que la vie a repris son petit rythme tranquille.

Que peut-il arriver de plus horrible pour une personne qui a choisi de travailler auprès de personnes en difficultés, qui les encadre, les guide, qui veille à leur sécurité, que de perdre un salarié?

Depuis notre équipe travaillant sur le site de l'entreprise d'insertion est en souffrance.
C'est logique, normal, classique... Un cellule d'aide psychologique a été mise en place. Ca aide beaucoup, mais pas encore assez.

L'entreprise est arrêtée, les salariés sont rentrés chez eux, en chômage technique. Seuls quelques permanents errent dans les locaux.

Et que peut-on faire à nos niveaux à nous?
Quelle aide est la bonne? quelle aide est une erreur?

Qu'aurions-nous aimé à leur place? qu'aurions-nous attendu de nos collegues les plus proches?




Je m'interroge tout en ayant pas eu vraiment l'occasion de choisir toute seule. Depuis deux jours, le téléphone sonne le soir.

Et j'attend cet appel probable encore aujourd'hui, en esperant ne pas le recevoir. Avec hantise... Comme si la lourdeur de cette souffrance me poursuivait à domicile.

Moi non plus je n'ai pas envie de savoir, de parler de tout ça, d'être le temoin de ce drame dans ses répercussions sur une personne que j'apprécie mais que je n'ai jamais considérée comme étant plus qu'un bon collègue. C'est lâche, c'est égoiste.

Mais comment aider lorsqu'on a peur aussi que cela soit mal interprété?
Quand on se demande s'il n'y a pas une méprise sur les sentiments?
Ou simplement des sentiments en face qui ne sont pas partagés.

Et en redoutant d'en parler parce que la personne est trop fragile et que l'on a peur d'un geste irréparable... 
Et en redoutant de créer un espoir en continuant d'accepter ces appels...

Pourquoi s'être spontanément tourné vers moi pour trouver un réconfort?
Je n'ose pas demander.





Rédigé par Celes

Publié dans #Bosse !

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